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Vocabulaire de la batellerie
Il est bon d'assimiler un peu de vocabulaire marinier. D'abord pour
se comprendre. Ensuite parce que, quand on se faufile, même par
accident, dans un milieu aussi respectable que celui de la batellerie
il est bien de faire le premier pas. Enfin parce que le parler marinier
est menacé par deux jargons également redoutables, le charabia
"franricain" de la plaisance et le langage comico-prétentieux
de l'administration, et qu'il est nécessaire de le défendre
de ces perverses infiltrations. Voici les termes qui reviennent souvent
dans les conversations.
- Alternat
- Sens unique de navigation alternée.
- Ancriau
- ou ancriot. Petite ancre.
- Apparaux
- Equipement obligatoire (ancre, bâche, bachot, etc).
- Arche marinière
- La plus large d'un pont, la bonne pour nous
- Avaler et monter
- Marcher avec ou contre le courant.
- Bachot
- Petite embarcation de service, en remorque ou à bord. Pour
l'administration un "batelet", et pour la plaisance une "annexe".
- Bajoyer
- Mur d'écluse. (anciennement bas-joyer)
- Ballast
- Réserve d'eau servant de lest. On ballaste et on déballaste.
- Barge
- Bateau sans moteur ou démotorisé.
- Barre franche
- En prise directe avec le gouvernail.
- Batardeau
- Construction pour réduire une infiltration d'eau. Par
extension, colmatage d'une voie d'eau dans la coque avec du ciment prompt.
Une coque pleine de batardeaux n'a plus grande valeur.
- Bateau
- Péniche, automoteur, chaland, gabare et tout ce que vous
voulez mais surtout pas bateau de plaisance.
- Bief
- Parcours entre deux écluses. On prononçait et on devrait
encore prononcer bié, le f étant là plus ou moins
pour faire joli mais n'ayant jamais représenté un son. Un
des rares mots français qui vient du gaulois (bedo, au sens de
canal ou de fossé, radical qu'on retrouve dans quelques noms de
ville).
- Bief de partage
- Le bief le plus haut d'un canal.
- Bordaille
- Flanc du bateau. La plaisance parle de "bordé"
et la marine de guerre de "muraille".
- Bouillon
- Masse d'eau déplacée par l'hélice.
- Boulard
- Tout organe d'amarrage (bitte, canon, anneau ou autres). On dit
indifféremment "bollard". Certains voudraient distinguer
"bollard" qui serait réservé aux pousseurs et
"boulard" aux péniches, mais c'est finasserie de navigateurs
en chambre. On ne va pas recommencer le coup de "cuissot" et
"cuisseau".
- Bouteur
- Gouvernail avant télescopique, manuvré par
un aide.
- Cajoler
- Déplacer son bateau à la main le long d'une berge.
- Chargé
- Péniche chargée. On dit "un chargé".
- Chaudron
- Ne s'entend plus guère que dans la bouche édentée
des vieux pour désigner un remorqueur à vapeur.
- Chômage
- Arrêt momentané de la navigation pour travaux.
Le chômage des canaux ne signifie pas que les écluses sont
en grève, c'est le calendrier des interruptions publié chaque
année.
- Claire-voie
- Lucarne grillagée éclairant une cabine.
Commerce et Plaisance. Péniche et bateau de plaisance. On dit "un
commerce", "un plaisance".
- Cueillir la berge
- La frôler de si près qu'on pourrait ramasser
une fleur !
- Cul-de-poule
- Arrière arrondi avec une arête, façon
canoë. En mer, l'équivalent serait "arrière norvégien".
Désigne aussi un bateau de ce type apparu dans les années
30, de lignes très fines, et recherché de ce fait pour faire
des bateaux-logements, mais que la batellerie abandonne parce qu'il ne
porte que 230 tonnes contre 280 à peu près pour les formes
flamandes.
- Culer
- Se laisser porter à reculons par le courant.
- Dater ou d'à-terre
- Un pauvre homme qui n'a pas le bonheur de vivre
sur un bateau. (Il est dater, il a marié une fille d'à-terre..).
- Devise
- Nom
- Défense ou pare-battage
- Protection de la coque contre les chocs.
- Denbords ou hiloires
- Surélévation des bords de la cale
pour augmenter son volume.
- Divers
- Péniche transportant des marchandises générales.
"Un divers"
- Donner des tours
- Accélérer
- Doubler
- Souder une tôle saine sur une partie de la coque percée
ou endommagée par l'extérieur.
- Duc d'Albe
- Pieux plantés dans le lit de la rivière pour
permettre l'amarrage des bateaux.
- Ecoirre
- Puissante pièce de bois ou gros tube d'acier qu'on utilise
par paire pour maintenir son bateau parallèle à la berge
pendant le stationnement. On écrit aussi "équoirre"
et même "écouar".
- Ecoutille
- Panneau cintré pour fermer la cale. A l'ancienne, en
bois ; le plus souvent en fer ; sur les bateaux modernes, en aluminium
et motorisé.
- Etiage
- Le plus bas niveau normal d'un fleuve navigable.
- Faire de l'avant ou de l'arrière
- Démarrer doucement en
avançant ou en reculant. A remplacé "battre avant ou
arrière" qui venait des bateaux à roues.
- Faire de l'eau
- Remplir sa cuve d'eau potable.
- Faire une tenaille
- Se présenter de travers dans une écluse
et faire un gnion dans la bordaille.
- Fargues
- Tôles en saillie anti-chute à l'avant du bateau.
En mer, c'est le "pavois".
- Fil de fer
- Filin en acier qui peut avoir plusieurs centimètres
de diamètre, par ironie.
- Fonçure
- Tôles formant le fond du bateau.
- Gabare (ou gabarre)
- Se disait d'un bateau de transport petit ou moyen
sur les fleuves et dans les estuaires du sud-ouest. Mystère de
la vie des mots : il gagne tout le territoire dans les bouches et les
publications non spécialisées pour désigner une péniche...
- Gamberet
- Planche d'accès à bord (vieilli)
- Genouillère
- Angle arrondi formé par la coque entre un côté
et le fond. Si l'angle est vif, c'est la cornière, endroit toujours
vulnérable. En mer, on parlerait plutôt de "bouchain".
- Gotte, gode ou gouttière
- Poutre en fer cintrée pour poser
les écoutilles. En bois, c'était le traversin".
- Gousset
- Triangle en tôle, soudé en renfort à l'intérieur.
- Haut-Fond
- Zone de faible profondeur (risque d'échouement)
- Houle
- Cale (dans le nord).
- Houpion
- Balai de pont.
- Immatriculer
- (Imagé) Percuter un autre bateau par maladresse en
manuvrant.
- Lisses
- Longs profilés disposés parallèlement à
l'intérieur de la coque et sur lesquels les tôles sont soudées.
- Lunette
- Surface d'appoint pour renforcer l'effet du gouvernail.
- Macaron
- Roue commandant le gouvernail. Les rayons de la roue sont appelés
" poupées de Macaron ".
- Machine. Moteur
- (Vient du temps de la machine à vapeur).
- Manger des moules
- Manquer un virage et finir contre la berge.
- Marquise. Timonerie
- La démonter c'est "démarquiser".
- Matériel
- Le bateau et ses équipements dans le langage des
transports.
- Mouillage
- Dans les eaux intérieures, profondeur de l'eau et non
pas endroit pour jeter l'ancre comme en mer.
- Moustaches
- Protection de la coque en tôle très épaisse,
à l'avant du bateau.
- Overgand
- Tube en travers et en haut de la cale pour maintenir l'écartement
des côtés.
- Patte d'oie
- Estacade où l'on amarre son bateau en attente d'éclusage.
Marinier de patte d'oie se dit d'un homme craintif qui navigue peu.
- Péniche
- Les mariniers n'utilisent presque jamais ce mot pour désigner
leur bateau. Une péniche c'est un automoteur, terme officiel. Origine
probable : pinasse, bateau du midi en pin, passé en Angleterre
en pinace, puis revenu en péniche dans le nord de la France.
- Petit hollandais
- Bateau de moins de 30 mètres d'origine hollandaise,
pour l'habitation ou la plaisance.
- Pic
- Pointe avant ou arrière de la coque, fermée par une
cloison étanche pour la sécurité. En mer, "coqueron".
- Piquet
- Support d'un garde-corps. La plaisance dit "chandelier".
- Plat-bord
- Partie étroite pour circuler de chaque côté
du bateau. Dans la plaisance, on dirait plutôt "passavant".
- Poite
- Cabine avant pour le matelot (dans le nord).
- Pointil
- Confluent, côté terre.
- Poubelle
- Bateau mal entretenu, la honte pour un marinier.
- Reu
- Logement arrière quand il est entièrement contenu dans
la coque. Quand il dépasse du pont en ménageant un passage
tout autour, c'est la dunette, beaucoup plus moderne.
- Rouf
- Logement, quand il dépasse dans le prolongement de la bordaille,
sans qu'on puisse marcher autour. Formule qui donne le plus de surface.
- Sasser
- Passer une écluse, écluser.
- S'engraver
- S'échouer sur un banc de gravier.
- Sommier
- Poutre au milieu de la cale et en long pour soutenir les gottes.
- Surestaries
- Indemnités d'immobilisation versées par le
client si celui-ci tarde à décharger sa marchandise. Très
important dans la vie batelière.
- Tabernacle
- Grand coffre de rangement d'un bord à l'autre entre
deux écoutilles.
- Tillac
- Plancher de la cale. En bois ou mieux en acier soudé, ce
qui fait un double fond.
- Tinette
- Seau à longue ficelle pour
puiser dans la rivière.
- Tirant d'air
- Hauteur maximale entre la flottaison et le sommet des superstructures
du bateau.
- Tirant d'eau
- Enfoncement du bateau. Distance verticale entre la flottaison
et le point le plus bas de la coque.
- Trémater
- Dépasser.
- Sensouille ou égouttiau
- Ecope (archaïque mais charmant).
- Vaigrage
- Garniture intérieure de la coque, posée sur des
vaigres, sorte de tasseaux (en général des panneaux de bois
ou des plaques de plâtre).
- Varangue
- Cornière transversale renforçant le fond du bateau.
(Terme universel dans la construction navale). En forme de V sur un navire.
Plat sur une péniche. Goussets et varangues sont des nids à
rouille.
- Veule
- Partie plate à l'avant ou à l'arrière du bateau.
La batellerie ignore le pont, qui n'est nécessaire qu'en mer. L'espace
étroit qui relie un bord à l'autre devant la marquise s'appelle
"gravelaine".
- Vidange
- Péniche vide (lège). On dit "un vidange".
Pourquoi cette distinction ? Un chargé ne peut pas serrer la rive,
en canal il doit rester au milieu, alors qu'un vidange est moins manuvrant
en raison de sa prise au vent. Autant que les autres le sachent. L'expression
"chargé avalant" entendue à la radio retentit
comme un signal d'alarme aux oreilles des mariniers car c'est une configuration
potentiellement dangereuse en temps de crue.
- Wassingue
- Serpillière (dans le Nord).
- Yaque
- Du hollandais "jacht", bateau de plaisance, toutes catégories
confondues.
Bien d'autres termes, qui viennent de la batellerie halée ou en
bois, ont disparu et n'ont plus qu'un intérêt folklorique,
hors de notre propos. Des mariniers nous chicaneront peut-être sur
tel ou tel point, en toute bonne foi. C'est que très souvent les
termes sont régionaux, souvenirs du temps où chaque flotte
était prisonnière dans son bassin, subissant des influences
méditerranéennes ou flamandes, ou puisant dans le jargon
des éleveurs de chevaux, des charpentiers et autres métiers
annexes.
D'après
Michel Paul SIMON